Gueidar Aliev – le “mйdecin” du fer

“Chaque objet qui passe par mes mains m’йtonne et me ravit en mкme temps parce qu’il est tйmoin d’йvйnements que nous ne verrons jamais”
Le mйtal, comme une personne, peut “prendre froid” et “tomber gravement malade”, croit le peintre-restaurateur du Musйe national d’art.
— Vous avez un nom original...
— C’est vrai. Car une fois lors d’une rencontre avec l’ancien prйsident de l’Azerbaпdjan je me suis prйsentй: “Gueidar Aliev! Enchantй”. “Gueidar?!Aliev?!”, m’a-t-il demandй sans cacher son йtonnement, puis il a йclatй de rire et m’a serrй la main.
— Pour le Bйlarus c’est aussi inhabituel...
— Surtout lorsque l’on m’invite а un forum international. Imaginez-vous le badge: “Aliev Gueidar Beпuk-Aga ogly. Bйlarus”.
Gueidar est arrivй au Bйlarus avec une solide expйrience de travail sur les mйtaux, а Bakou il a travaillй а la fabrique de bijouterie, puis а l’usine militaire. Au Bйlarus son premier grand travail a йtй la restauration de l’icфne “Famille Sacrйe” (XVI siиcle. — Aut.) de l’йglise catholique franciscaine de Maria а Pinsk. Il a restaurй l’encadrement mйtallique sous lequel il a dйcouvert celui en bois.
— Sur quoi tombent encore les restaurateurs en enlevant les “couches” de l’histoire?
— Sыrement sur l’histoire mкme. Nous devons pйnйtrer l’вme de l’auteur, respirer comme lui, йternuer comme lui. C’est en cela que consiste notre travail aprиs lequel personne ne doit dire que l’objet a pris un nouvel aspect. Le principe essentiel du restaurateur est de garder tout ce qui est possible. Quant aux trouvailles, а un de mes collиgues on a apportй une boucle d’oreille datйe du XII siиcle environ complиte avec un bout de l’oreille momifiйe!
Des gros pinceaux et des petits pinceaux, des scies а main et des limes, des petites loupes, des moyennes et celles d’une taille d’un livre, des machines-outils et une table, exactement comme dans les laboratoires des savants, avec des microscopes et des fioles, des bains oщ sifflent les rйactifs, tout cela fait un atelier de restaurateur. C’est lа, de cette place que l’on peut se dйplacer au moyen вge mystйrieux et dans l’йlйgant baroque. Mкme les peintres sont parfois йtonnйs du nombre de “couches du temps” qu’il faut enlever de l’objet pour lui redonner vie.
— La valeur d’un bijou est dйfinie en fonction de son вge, de son auteur ou par la quantitй de pierres prйcieuses?
— Chaque objet qui passe par mes mains m’йtonne et me ravit en mкme temps parce qu’il est tйmoin d’йvйnements que nous ne verrons jamais, en me parlant, le maоtre continue de nettoyer avec un petit pinceau fin un immense vase de bronze.
D’abord il enlиve la poussiиre, ensuite, exactement comme un docteur, il dйfinit les endroits “malades” et y applique des compresses avec des solutions arrкtant le processus de destruction. Ensuite l’objet sera rйchauffй et conservй aprиs кtre imprйgnй d’une solution а base de cire d’abeille. Maintenant on peut dire que le “patient” se rйtablit.
— Ces vases ont йtй fabriquйs au Japon le siиcle passй, vous n’allez pas le croire dans une usine militaire! Mais le niveau de maоtrise est si йlevй qu’ils ne se distinguent pas des travaux anciens. Voici un lustre de la maison-musйe des Vankovitch. Regardez, les cartouches originales а base de bois du XIX siиcle. Aujourd’hui aucun pompier n’admettrait une chose pareille. Quelques fois j’ai eu la chance de travailler avec les originaux de Fabergй, avec la “coupe — nautilus” (une coupe en forme de coquille “nautilus” encadrйe d’un mйtal prйcieux. Le travail des maоtres hollandais du XVI siиcle. -Aut.). Toucher а ces raretйs est le rкve de chaque maоtre. Les bijoux du XII–XIII siиcles ont une aura spйciale: des suspensions protectrices, des coltes (des mйdaillons parfumйs, le prototype du parfum). Des choses originales de l’йpoque de la Renaissance viennent aux restaurateurs — des bagues avec des conteneurs oщ l’on mettait du poison ou quelques amulettes, par exemple un cheveu de la bienaimйe. Avec des mйtaux prйcieux et des pierres on faisait des boоtes pour les reliques des saints qu’on vendait. Des boоtes pour les parfums et mкme les fameux tubes pour la chasse aux puces йtaient dйcorйs trиs йlйgamment. Dans les siиcles anciens il n’y avait presque pas d’ornements dйpersonnalisйs, c’est pourquoi ils avaient des sceaux nominatifs. Dans les travaux du XIX siиcle abondent les diamants, les saphirs et les rubis, souvent tout ce bouquet sert а dйcorer un seul bijou. Dans les ceintures et les bracelets on peut voir des dessins extraordinaires — des noeuds magiques. Je connais dйjа certains d’entre eux. Зa, c’est “le noeud de la chance” (il dessine un fragment d’ornement), cet entrelacement s’appelle “arbre de la vie”. On croyait que l’objet avec cet ornement donnerait а son maоtre des forces vivifiantes.
Le maоtre Aliev est connu au Bйlarus avant tout comme un restaurateur d’ustensiles d’йglise. Il est aussi l’auteur de mйdailles de commйmoration avec la reprйsentation de l’йglise catholique Karlo Barromeo et du palais des Boutrimovitch et des panaguii (l’image de Notre Dame que les йvкques portaient sur la poitrine. — Aut.), une desquelles a йtй offert au Patriarche de Moscou et de toute la Russie Alexie II. Aliev dйcorait les copies cйlиbres de la croix de Efrosinia Polotskaпa et restaurait les copies pratiquement de toutes les armes de la collection du chвteau de Mir.
— Vous ne saviez pas que dans les expositions de plusieurs musйes sont exposйes des copies? s’est йtonnй le peintre. La raretй demande un traitement et des conditions spйciales. Par exemple, les originaux des in-folio ne peuvent pas кtre exposйs а la lumiиre qui les dйtruit. Des objets mйtalliques anciens sont aussi capricieux, mais cela vaut la peine. Le prix des antiquitйs augmente chaque annйe. Pour tout simplement prendre connaissance, de trиs bonnes copies sont tout а fait suffisantes.
— Pouvez-vous distinguer une trиs bonne copie de l’original?
— Oui, mais je tвche de ne pas dйcevoir les amateurs de la beautй. Si je suis invitй а titre d’expert pour un objet qui prйtend кtre une valeur de musйe c’est autre chose, mais si quelqu’un veut tout simplement flatter son amour-propre... Une fois je restaurais une bague du XVII siиcle et le travail original du bijoutier m’a plu а tel point que j’ai demandй а son propriйtaire la permission d’en faire une copie avec des matйriaux plus simples. J’йtais en train d’admirer mon travail quand un de mes amis est entrй dans l’atelier. Il a vu la bague et m’a demandй de lui l’offrir pour l’anniversaire de sa fille. Quelques annйes plus tard une tout а fait autre personne s’est adressйe а moi: “Peux-tu faire la copie de cet objet ancien?” et il m’a tendu... ma bague. Je l’ai fait. Il m’a remerciй et m’a dйclarй comme un expert: “Tu es un bon maоtre, mais l’original est quand mкme meilleur!” Il y a encore un cas oщ la copie a sauvй la situation. en Azerbaпdjan on a remis en cadeau aux anciens combattants une statuette en porcelaine d’antiquaire de l’Italie. C’йtait un cadeau de gens trиs haut placйs avec une plaque de donation en argent avec une inscription gravйe а la main. Pendant le transport on a perdu la plaque, mais on a conservй son passeport avec sa photo d’aprиs laquelle en un jour j’ai fait la copie.
— Comment restaurer l’йclat des bijoux chez soi?
— Il vaut mieux prendre une tasse d’eau chaude, y ajouter deux gouttes de savon liquide et 1 millilitre d’ammoniaque. Ensuite il faut prendre une vieille brosse а dents et bien frotter le bijou, ensuite il faut le laver avec de l’eau propre et essuyer soigneusement.
Le maоtre affirme qu’avant d’acheter un bijou ancien, que ce soit une broche ou une statuette de bronze, il vaudrait mieux connaоtre non seulement l’auteur du travail, mais aussi ses maоtres. Le mйtal peut absorber l’йnergie de la personne, y compris l’йnergie nйgative.

Tamara Zenina
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